Page:Sand - Malgretout.djvu/242

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tagnes dont le sommet se perd dans la nuit, et pour ciel l’ombre impénétrable d’une voûte longue d’un kilomètre et haute de trois cents pieds. C’est un chaos alpestre enfoui dans un chaos. C’est une scène de montagne brisée dans l’intérieur d’une montagne compacte. Le bruit de l’eau courante, les ouvriers occupés à retrouver les sentiers praticables et à réparer le pont rustique, donnaient un aspect de vie étrange à ce décor enseveli.

Comme ces hommes achevaient leur travail et se transportaient dans ce qu’ils appelaient une autre salle, et que j’aurais appelé, moi, un autre pays, je les suivis, et ils m’aidèrent à passer encore le torrent sur une planche et à marcher dans les endroits dangereux. Ils s’installèrent pour réparer un autre pont dans une autre immensité. Là, voulant voir le lieu, qui était encore plus grandiose que le précédent, je m’assis sur une roche, et j’attendis qu’ils eussent pris chacun leur poste et planté leur torche. Elisabeth me recommanda de ne pas bouger, car j’étais au bord d’un précipice, et elle s’éloigna pour aller babiller avec un jeune gars, son frère ou son amoureux.

On m’avait beaucoup exagéré la hauteur des eaux de la Lesse, mais elle s’était fraîchement retirée, et l’humidité laissée sur les roches était si grande, que plusieurs torches s’éteignirent, surtout du côté où j’étais. Je me trouvai plongée par moments dans une obscurité qui ne me permettait pas