Page:Sand - Malgretout.djvu/259

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Et il s’éloigna.

J’entrai dans l’auberge qui, au dehors, semblait une masure, mais dont l’intérieur propre, ciré et orné de fleurs comme tous ceux du pays, ne rendait pas bien effrayante la perspective d’y rester quelques heures. Les deux femmes qui tenaient la maison étaient prévenantes sans importunité. Je me chauffai avec plaisir, et, pour faire quelque dépense, je commandai du café, pour Abel. Il revint au bout de peu d’instants, et me dit qu’il était impossible de sortir de ce village avant le lendemain.

— Eh bien, lui répondis-je avec une candeur qui le troubla, vous vouliez rester avec moi, le hasard l’a voulu aussi. Nous ne nous dirons pas adieu aujourd’hui.

Je vis qu’il hésitait à me répondre, et je lui demandai de quoi il paraissait inquiet.

— Ah ! Sarah, me dit-il en s’agenouillant près du feu devant moi, vous êtes un trop bon ange ! Je ne peux pas vous tromper plus longtemps. Vous ne voyez donc pas que je vous ai perdue exprès ?

— Non, je ne le voyais pas, répondis-je, blessée au cœur, et je ne peux pas le croire, quoique vous me le disiez.

— Eh bien, reprit-il vivement, j’ai fait quelque chose qui vous semble mal, qui vous offense, et que vous me pardonnerez, il le faut ! Si vous étiez au bord d’un précipice, je vous retiendrais de toute la force de ma volonté, dussé-je froisser vos mem-