Page:Sand - Malgretout.djvu/298

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ment ses fautes et ne se consolera jamais de son bonheur perdu. Je le connais ! »

Quand mon sacrifice fut accompli, je crus que je ne m’en relèverais pas, tant je me sentis brisée ; mais je n’eus pas le loisir de m’occuper de moi-même. Une épidémie ravagea le pays, et je dus songer à soigner les malades. Comme le mal sévissait surtout sur les enfants, j’engageai Adda à ne pas laisser sortir les siens de notre enclos et à ne pas sortir elle-même. Je confiai Sarah aux soins de mon père. Elle était heureusement assez bien dans ce moment-là. Moi, je me logeai dans un pavillon séparé, afin de ne pas apporter à nos enfants la contagion du dehors, et je me consacrai aux malheureux. J’espérais avoir mon tour quand j’aurais fait mon possible pour les autres, et mourir dans l’exercice de mon devoir sans avoir à me reprocher la lâcheté du suicide. La mort ne voulut pas de moi, et, en me sentant utile, je me sentis plus forte. Après tout, qu’est-ce que de vivre un certain nombre d’années sans bonheur ? Ce n’est jamais qu’un temps bien court pour faire tout ce qu’on doit faire, et il n’en reste point pour se reposer et se plaindre.

L’épidémie passée, je rentrai dans ma famille et m’occupai de ma sœur. Son esprit avait subi une crise que je n’avais pu suivre. Elle m’apprit que pendant ma retraite la destinée l’avait vengée de mademoiselle d’Ortosa. La fière Espagnole avait