Page:Sand - Malgretout.djvu/299

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manqué le grand mariage qu’elle se croyait sûre de contracter, et qu’elle avait déjà annoncé à tout le monde. On ne savait pas bien les causes de son échec ; il avait été brusque, on disait même brutal. On ajoutait qu’elle avait fait une grave maladie dont les suites seraient longues et la tiendraient peut-être à jamais éloignée des fêtes et du bruit.

Adda se réjouissait si cruellement de ce désastre, que j’en fus effrayée. Je craignis qu’elle ne fût devenue méchante par jalousie.

— Rassure-toi, me dit-elle ; je n’étais pas jalouse de ses succès de femme, j’en aurai autant qu’elle quand je voudrai, et de meilleur aloi. Je ne serai pas si follement ambitieuse, et j’arriverai plus sûrement à une position plus solide. Son malheur m’a servi de leçon. Elle voulait voir tous les hommes à ses pieds. Moi, je m’attacherai à une seule conquête, et elle ne m’échappera pas. J’ai voulu lui disputer Abel, que, pas plus qu’elle, je n’eusse voulu épouser, et que je n’aimais pas : c’est qu’elle m’avait un peu corrompue. La voilà hors de combat, et je ne subirai plus sa mauvaise influence. Je me servirai de ma volonté et je m’en servirai bien, tu verras ; mais il faut que tu m’aides. Il faut que tu me tires de l’obscurité. Tu es d’âge à me servir de chaperon, je veux que tu me conduises au Francbois. Le monde est là tout près de nous, et je veux y prendre la place qui m’est due.

Elle revint avec ténacité à ce projet, que je la