Page:Sand - Malgretout.djvu/313

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vous voulez l’être. Renoncez à vos chimères, envisagez la vie sous un jour vrai. Bientôt vous redeviendrez belle et jeune, et vous inspirerez encore l’amour ; vous serez libre de choisir. Mariez-vous à un homme de votre condition que vous puissiez estimer, et oubliez tous les autres. Abjurez cette ambition qui vous a jetée dans une coquetterie effrénée et qui vous a fait tant d’ennemis. Disparaissez de cette scène de tumulte, où vous avez eu de grands succès terminés par une chute éclatante. Vous y êtes déjà oubliée. On n’y songe à vous que pour craindre de vous y rencontrer. Vous lutteriez en vain maintenant ; ce n’est pas parce que vous avez été malade, ce n’est pas parce que vous avez manqué un grand mariage que vous avez perdu votre prestige, c’est parce que vous avez été vaincue et que vous ne faites plus peur. Le monde n’a pas le temps de remplacer l’engouement par la sollicitude ; il ne s’intéresse qu’à ce qui l’étonne. Vous étiez pour lui un chiffre inconnu à dégager ; à présent, vous êtes une femme déçue et brisée comme tant d’autres. Il a pour vous un sourire de pitié, et ce n’est pas long, la durée d’un sourire qu’une larme ne suit pas !

Elle m’écoutait, les yeux fixés sur le parquet, les mains croisées sur ses genoux, si attentive et si calme, qu’on eût dit une enfant écoutant les leçons de sa mère. Elle se laissa glisser à mes pieds encore une fois.