Page:Sand - Malgretout.djvu/44

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père, ignorant à quel point l’avenir était compromis et toujours espérant que son gendre se corrigerait, vivait, grâce à mes soins et au secret que je lui gardais de ma ruine, paisible et occupé. Il s’instruisait, disait-il ; il recommençait son éducation, pour être à même de simplifier les études futures de son petit-fils, dont il voulait être l’unique instituteur. Moi, je m’occupais assidûment de ma ravissante petite Sarah ; c’est moi qui l’avais gardée en sevrage, elle couchait dans ma chambre, elle m’aimait plus que sa mère, qui la chérissait pourtant, mais qui, vaguement blessée au cœur, semblait accepter la vie comme une gageure dont il faut essayer de se moquer, — à moins qu’on n’en meure.

Adda n’était point nonchalante, elle était désœuvrée. Elle ne luttait contre rien. Malade, elle s’ennuyait avec résignation ; guérie et cherchant la distraction, elle n’était ni joyeuse ni enivrée ; elle était dissipée et irréfléchie. On peut dire qu’elle n’avait jamais eu plus de force pour cesser de souffrir que pour souffrir. Un grand changement allait s’opérer en elle, mais je ne le pressentais pas plus que celui qui me menaçait moi-même.

J’étais allée me promener jusqu’aux Dames de Meuse, seule avec ma petite Sarah. Il y avait dans ce ravin désert un vieux jardinier retiré sur sa propriété, qui consistait en un demi-hectare de terre situé au bas du rocher. Là, à l’abri des vents froids et sur un sol humide et chaud, ce brave