Page:Sand - Malgretout.djvu/45

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homme cultivait avec amour et avec science les plus beaux légumes et les meilleurs fruits. Il les envoyait à Paris par le chemin de fer ; mais, quand je fus installée à Malgrétout, je fus pour lui une bonne pratique, et, un jour qu’il m’avait engagée à venir cueillir moi-même du raisin sur sa treille, plus hâtive que la mienne, je partis avec ma petite Sarah vers midi. Une demi-heure après, notre batelier Giron nous déposait sur le sable pailleté du rivage.

Les travaux du chemin de fer, à présent qu’ils ont perdu l’éclat désagréable de leur fraîcheur, n’ont rien gâté à l’admirable recoin des Dames de Meuse. Au contraire, le pont hardi qui traverse la rivière et les convois qui s’engouffrent immédiatement, dans un tunnel semblable à une grande bouche de la montagne qui les attend et les avale, les cris aigus de la vapeur qui semble protester contre l’implacable et s’éteindre dans la mort, sont ici d’un fantastique presque effrayant. La Meuse, resserrée entre les plus hauts escarpements de son parcours (quatre ou cinq cents mètres d’élévation), tourne et fuit parmi ces masses sombres boisées de la base au faîte. La roche, qui de temps en temps perce la foret, est noire et lustrée comme l’ardoise. Elle est tantôt friable, tantôt compacte ; elle ne se débite pour l’exploitation que dans les carrières ouvertes plus loin. Il n’y a donc point ici d’industrie, c’est la solitude absolue. De place en place, le long des Dames, quelques schistes veinés de rouge ressem-