Page:Sand - Malgretout.djvu/60

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gens riches et influents, elle se fait intéresser dans des affaires de tout genre, où elle gagne toujours. Elle ne passe donc pas pour être entretenue par le Rémonville, car on la sait beaucoup plus riche que lui ; mais elle est avare et consent à mener grand train, pourvu qu’il paye le titre d’amant en pied qu’elle lui permet de prendre auprès d’elle. Il solde donc toutes les dépenses, et elle thésaurise. Elle a de charmantes raisons à lui donner pour qu’il en soit ainsi. Elle prétend qu’elle est lasse du monde, que le luxe ne lui fait aucun plaisir, qu’elle n’aspire qu’à posséder une petite ferme et à s’y retirer pour vivre en bonne paysanne. Quand il a quelque doute, elle a des accès de religion ; elle s’habille comme une vieille dévote sordide et, sous son nez, s’en va à pied à la messe, jurant que la grâce l’a touchée et qu’un de ces jours elle entrera dans un couvent. Ceci ne fait pas le compte du Rémonville, qui a la rage d’être un homme à la mode et qui ne tire son lustre que de celui de la courtisane en renom. Les choses vont ainsi depuis trois ans. Ce sot personnage, trois fois ruiné, a su échapper à la honte d’une banqueroute ; trois fois il a payé ses créanciers, fait lever les saisies sur son mobilier et remis à flot son luxe et son scandale. On ignore où il trouve de l’argent. Personne ne lui connaît d’amis disposés à lui en prêter. Pouvez-vous me dire, miss Owen, comment il réussit à cacher à sa femme, si tranquille et si gaie,