Page:Sand - Malgretout.djvu/61

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le saut périlleux qu’il continue à réussir pour son compte ?… Pardon, miss Owen, vous ouvrez la bouche pour me répondre que vous ne le devinez pas. Épargnez-vous ce généreux mensonge ; je le sais, moi, je sais tout. L’ami qui m’avait présenté dans cette maison malsaine, vertement tancé par moi à mesure que je voyais clair, a prétendu défendre Rémonville en jurant qu’il n’avait pas encore touché à la fortune de sa femme.

» — Alors, lui ai-je dit, il est dans la police, ou il vole au jeu.

» Pressé dans ses derniers retranchements, il m’a révélé le mystère. La sœur de madame de Rémonville a sacrifié sa fortune, présent et avenir, à la sécurité de cette pauvre jeune femme ; elle paye en silence, elle s’en cache avec soin.

» — C’est, ajouta-t-il, une bonne vieille fille toquée, une de ces Anglaises excellentes qui n’ont ni passions ni prétentions à une personnalité quelconque, à qui le célibat semble dévolu comme une loi de la famille, et qui arrivent à se trouver heureuses de ne pas exister pour leur compte.

» Je répondis à mon ami qu’il raisonnait comme un cuistre et comme un drôle, que je ne remettrais jamais les pieds chez son ignoble protectrice, que je ne saluerais pas le Rémonville si je le rencontrais, et que je n’étais plus l’ami d’un ami de ce monsieur. En même temps, j’ai juré dans mon âme, car celui à qui je parlais n’était pas digne d’en prendre