Page:Sand - Malgretout.djvu/83

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maris : c’est la loi du mariage, de l’amour et de la vie. La passion cesse dès qu’elle est assouvie, et il n’y a d’enivrant dans la vie d’une femme que les jours rapides qui séparent les fiançailles du mariage. J’en suis si certaine à présent que les absences de mon mari me paraissent très-naturelles, tandis que, dans les premiers jours, je croyais ne pouvoir passer une heure sans lui. L’amour a la durée d’une rose, ma pauvre Sarah, c’est-à-dire qu’on a un instant pour le croire éternel, et tout le reste de l’existence pour savoir qu’il est éphémère. C’est comme cela, je m’y résigne. Je ne suis pas une mauvaise tête pour exiger un sort différent de celui de toutes les autres ; mais, si je n’ai ni désespoir ni fureur, je n’en suis pas moins mélancolique et désenchantée quand j’y songe, et tu m’as fait du mal hier en écoutant avec tant de mystère et d’intérêt ce musicien bavard et flagorneur ; moi, il me paraissait absurde, et je n’ai fait que me moquer de lui. Il me faisait l’effet d’un fiancé, c’est-à-dire d’un comédien débitant ses tirades de commande à ton adresse, et tout aussi incapable que les autres de te rendre heureuse. Cependant tu paraissais charmée, et je me disais : « La voilà comme j’étais il y a trois ans ! Elle savoure son jour de bonheur, elle y croit,… tant mieux pour elle ! Je ne peux plus être comme elle, mais elle sera comme je suis quand le soleil aura séché cette goutte de rosée d’un matin. »

— Mais où prends-tu donc ce que tu dis la, ma