Page:Sand - Malgretout.djvu/84

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chère enfant ? Tout le temps du dîner, M. Abel n’a parlé qu’à toi et à mon père. Je n’ai pas échangé dix paroles avec cet inconnu…

— Ne mens pas, Sarah, cela est indigne de toi ! Vous m’avez envoyée coucher, et, comme je n’avais aucun besoin de sommeil, j’ai entendu tout ce qui se passait dans la maison. Mon père a joué tes airs sur le piano, puis il est monté dans sa chambre, et moi, curieuse du tête-à-tête où il te laissait, je suis descendue par le petit escalier de la tourelle. La porte du boudoir qui touche au salon était ouverte. J’y suis entrée sans bruit, j’ai entendu… Ah ! tu pâlis, ma chère, tu vois bien que j’ai entendu la déclaration de M. Abel…

Je devais être fort émue en effet, car je me rappelais tout le mal qu’Abel m’avait dit de mon beau-frère ; je craignais que ma sœur n’eût reçu là un coup mortel en apprenant la scandaleuse infidélité de son mari. Heureusement, elle n’était entrée dans le boudoir qu’au moment où Abel me disait : « Vous êtes belle comme un ange et artiste plus inspirée que moi. Ma vénération est devenue enthousiaste, mon dévouement est maintenant passionné. »

Elle me répéta textuellement ces paroles, qui étaient déjà devenues confuses dans ma mémoire troublée. Je m’efforçai de rire et lui demandai si elle avait entendu ma réponse.

— Oui, dit-elle, tu as répondu ce qu’on répond