Page:Sand - Malgretout.djvu/88

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pour l’avertir que son bain était prêt, lorsqu’il revint à pied le long du rivage.

» — Mes enfants, nous dit-il, j’ai passé une après-midi splendide. Figurez-vous qu’en débarquant près de la station de Revins, Abel a reconnu dans un wagon le célèbre violoncelliste Nouville, qui s’en allait organiser un concert à Bruxelles. Il l’arrête au passage.

» — Tu vas à Bruxelles ? j’en arrive. Si j’avais su ! J’y ai donné un concert ; c’est trop tôt pour en donner un autre. Tu devrais attendre un peu, flâner en route. Ce pays-ci est si beau ! on y laisserait volontiers ses ailes. Tiens ! il y a une espèce de troupe d’opéra à Charville, nous pouvons organiser quelque chose avec les artistes. Reste avec moi et nous en causerons.

» Nouville est un grand jeune homme pâle, à l’air nonchalant et doux. Je le crois irrésolu, et j’ai vu aussi qu’il avait une grande affection pour Abel. Il ne répond rien, demande son bagage, prend le bras d’Abel, traverse le pont et le suit au village, où celui-ci a trouvé, grâce aux soins de son domestique, gaillard très-intelligent, un gîte assez agréable. Je voulais laisser les deux amis ensemble.

» — Non ! s’écrie Abel en me saisissant de son autre bras, vous viendrez fumer un cigare avec nous, et vous verrez déballer le violoncelle de Nouville. C’est une merveille, c’est celui de Duport, et il a été joué longtemps par Franchomme, ce qui ne l’a pas fait déchoir.