Page:Sand - Marianne, Holt, 1893.djvu/74

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qu’enfin tu aimais la campagne pour son libre espace, et le mouvement pour lui-même.

— Ah ! c’est certainement un grand plaisir d’aller vite, de fendre le vent et de voler sur la bruyère comme un lièvre ; mais c’en est un plus grand de tout voir en allant au pas et de s’arrêter devant ce qui vous plaît ou vous étonne. J’aime l’un et l’autre, ce que je connais et ce que je ne connais pas. Je voudrais ne rien apprendre et tout savoir,… ou encore mieux je voudrais tout savoir pour l’oublier et le retrouver quand il me plairait, car il y a un grand plaisir à vouloir deviner, et si je savais toujours, j’en serais privée.

— Reste comme tu es, Marianne ! tu es, je le vois, de ces natures qui possèdent le vrai sans avoir besoin de démonstration, et dis-moi encore, puisque tu es en train de te révéler aujourd’hui…

— C’est assez, mon parrain. Je crains que votre mère, que j’ai quittée pour vous rejoindre, ne s’ennuie sans moi. Retournons auprès d’elle.

XXI

— Veux-tu me donner le bras, dit Pierre en s’arrachant à regret à l’oasis fleurie où pour la première fois Marianne avait trahi le secret de ses rêveries solitaires.

— On ne peut pas marcher deux de front ici, répondit Marianne. C’est une promenade pour une personne seule.

— Seule,… tu ne le seras pas toujours ! Je crois que bientôt tu feras faire ici une allée.

— Doublons le pas, dit Marianne. Voici M. Gaucher