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Page:Sand - Mauprat.djvu/103

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avertit à sa manière en faisant entendre une sorte de toux sèche, qui était son plus grand signe de colère et d’inquiétude…

— Quelque chose là-dessous, dit Marcasse.

Et il avança fort courageusement dans les ténèbres en faisant signe à l’amazone de ne pas sortir. La détonation d’une arme à feu nous fit tous tressaillir. Edmée sauta légèrement à bas de cheval, et, par un mouvement instinctif qui ne m’échappa point, vint se placer derrière ma chaise. Patience s’élança hors de la tour ; le curé courut au cheval épouvanté, qui se cabrait et reculait sur nous ; Blaireau réussit à aboyer. J’oubliai mon mal, et, d’un saut, je fus aux avant-postes.

Un homme, criblé de blessures et répandant un ruisseau de sang, était couché en travers devant la porte. C’était mon oncle Laurent, mortellement blessé au siège de la Roche-Mauprat, qui venait expirer sous nos yeux. Avec lui était son frère Léonard, qui venait de tirer à tout hasard son dernier coup de pistolet et qui heureusement n’avait atteint personne. Le premier mouvement de Patience fut de se mettre en défense ; mais, en reconnaissant Marcasse, les fugitifs, loin de se montrer hostiles, demandèrent asile et secours, et personne ne crut devoir leur refuser l’assistance que réclamait leur déplorable situation. La maréchaussée était à leur poursuite. La Roche-Mauprat était la proie des flammes ; Louis et Pierre s’étaient fait tuer sur la brèche ; Antoine, Jean et Gaucher étaient en fuite d’un autre côté. Peut-être étaient-ils déjà prisonniers. Rien ne saurait rendre l’horreur des derniers moments de Laurent. Son agonie fut rapide mais affreuse. Il blasphémait à faire pâlir le curé. À peine la porte fut-elle refermée et le moribond déposé à terre, qu’un râle horrible s’empara de lui. Malgré nos représentations, Léo-