Page:Sand - Mauprat.djvu/104

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nard, ne connaissant d’autre remède que l’eau-de-vie, arrachant de mes mains (non sans m’adresser en jurant un reproche insultant pour ma fuite) la gourde de Marcasse, desserra de force, avec la lame de son couteau de chasse, les dents contractées de son frère, et lui versa la moitié de la gourde. Le malheureux bondit, agita ses bras dans des convulsions désespérées, se releva de toute sa hauteur, et retomba roide mort sur le carreau ensanglanté. Nous n’eûmes pas le loisir d’une oraison funèbre ; la porte retentit sous les coups redoublés de nouveaux assaillants.

— Ouvrez, de par le roi ! crièrent plusieurs voix ; ouvrez à la maréchaussée.

— À la défense ! s’écria Léonard en relevant son couteau et en s’élançant vers la porte. Vilains, montrez-vous gentils-hommes ! Et toi, Bernard, répare ta faute, lave ta honte, ne souffre pas qu’un Mauprat tombe vivant dans les mains des gendarmes !

Commandé par l’instinct du courage et de la fierté, j’allais l’imiter, quand Patience, s’élançant sur lui et le terrassant avec une force herculéenne, lui mit le genou sur la poitrine en criant à Marcasse d’ouvrir la porte. Cela fut fait avant que j’eusse pu prendre parti pour mon oncle contre son hôte inexorable. Six gendarmes s’élancèrent dans la tour et nous tinrent tous immobiles au bout de leurs fusils.

— Holà ! messieurs ! dit Patience, ne faites de mal à personne et prenez ce prisonnier. Si j’eusse été seul avec lui, je l’eusse défendu ou fait sauver ; mais il y a ici des braves gens qui ne doivent pas payer pour un coquin, et je ne me soucie pas de les exposer dans un engagement. Voilà le Mauprat. Songez que votre devoir est de le remettre sain et sauf dans les mains de la justice. Cet autre est mort.