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Page:Sand - Mauprat.djvu/110

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— Qu’avez-vous à me dire ? lui demandai-je avec plus d’empressement que de politesse.

— Rien, me répondit-elle à demi-voix. J’aurai beaucoup à vous dire plus tard ; jusque-là, ferez-vous toutes mes volontés ?

— Et pourquoi, diable, ferais-je vos volontés, cousine ?

Elle hésita un peu à me répondre, et, faisant un effort, elle dit :

— Parce que c’est ainsi qu’on prouve aux femmes qu’on les aime.

— Est-ce que vous croyez que je ne vous aime pas ? repris-je brusquement.

— Qu’en sais-je ? dit-elle.

Ce doute m’étonna beaucoup, et j’essayai de le combattre à ma manière.

— N’êtes-vous pas belle, lui dis-je, et ne suis-je pas un jeune homme ? Peut-être croyez-vous que je suis trop enfant pour m’apercevoir de la beauté d’une femme ; mais à présent que j’ai la tête calme et que je suis triste et bien sérieux, je puis vous dire que je suis encore plus amoureux de vous que je ne pensais. Plus je vous regarde, plus je vous trouve belle. Je ne croyais pas qu’une femme pût me paraître aussi belle. Vrai, je ne dormirai pas tant que…

— Taisez-vous, dit-elle sèchement.

— Oh ! vous craignez que ce monsieur ne m’entende, repris-je en lui désignant M. de la Marche. Soyez tranquille, je sais garder un serment, et j’espère qu’étant une fille bien née vous saurez aussi garder le vôtre.

Elle se tut. Nous étions dans un chemin où l’on ne pouvait marcher que deux de front. L’obscurité était profonde, et, quoique le chevalier et le lieutenant général fussent sur nos talons, j’allais m’enhardir à passer mon