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Page:Sand - Mauprat.djvu/122

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Cette recommandation ressemblait vraiment à une raillerie ; Edmée feignait d’être assoupie pour cacher peut-être un peu d’embarras intérieur ; et, quant à moi, j’étais si incapable de combattre cette réserve que c’était vraiment pitié de me recommander le silence.

Le chevalier ouvrit une porte au fond de l’appartement et la referma ; mais, en l’entendant tousser de temps en temps, je compris que son cabinet n’était séparé que par une cloison de la chambre de sa fille. Néanmoins j’eus quelques instants de bien-être en me trouvant seul avec elle tant qu’elle parut dormir. Elle ne me voyait pas et je la regardais à mon aise ; elle était aussi pâle et aussi blanche que son peignoir de mousseline et que ses mules de satin garnies de cygne ; sa main fine et transparente était à mes yeux comme un bijou inconnu. Je ne m’étais jamais douté de ce que c’était qu’une femme ; la beauté, pour moi, ç’avait été jusqu’alors la jeunesse et la santé, avec une sorte de hardiesse virile. Edmée, en amazone, s’était un peu montrée sous cet aspect la première fois, et je l’avais mieux comprise ; maintenant, je l’étudiais de nouveau, et je ne pouvais plus concevoir que ce fût là cette femme que j’avais tenue dans mes bras à la Roche-Mauprat. Le lieu, la situation, mes idées elles-mêmes, qui commençaient à recevoir du dehors un faible rayon de lumière, tout contribuait à rendre ce second tête-à-tête bien différent du premier.

Mais le plaisir étrange et inquiet que j’éprouvais à la contempler fut troublé par l’arrivée d’une duègne qu’on appelait Mlle Leblanc, et qui remplissait les fonctions de femme de chambre dans les appartements particuliers, celles de demoiselle de compagnie au salon. Elle avait peut-être reçu de sa maîtresse l’ordre ne pas nous quitter ; il est certain qu’elle s’assit auprès de la chaise longue, de manière à présenter à mon œil désappointé son dos sec et