Page:Sand - Mauprat.djvu/139

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Roche-Mauprat viendrait à se découvrir. Si ce monsieur est capable de soupçonner Edmée et de lui faire outrage à la veille de ses noces, il me semble qu’il y a un moyen bien simple de raccommoder tout cela.

— Et lequel, selon vous ?

— C’est de le provoquer et de le tuer.

— Je pense que vous ferez tout pour épargner cette dure nécessité et ce péril affreux au respectable M. Hubert.

— Je les lui épargnerai de reste en me chargeant de venger ma cousine. C’est mon droit, monsieur l’abbé ; je connais les devoirs d’un gentilhomme tout aussi bien que si j’avais appris le latin. Vous pouvez le lui dire de ma part. Qu’elle dorme en paix ; je me tairai, et, si cela ne sert à rien, je me battrai.

— Mais, Bernard, reprit l’abbé d’un ton insinuant et doux, songez-vous à l’attachement de votre cousine pour M. de la Marche ?

— Eh bien ! raison de plus, m’écriai-je, saisi d’un mouvement de rage.

Et je lui tournai le dos brusquement.

L’abbé rapporta toute cette conversation à sa pénitente. Le rôle de ce digne prêtre était fort embarrassant ; il avait reçu sous le sceau de la confession une confidence à laquelle il ne pouvait que faire des allusions très détournées, en s’entretenant avec moi. Cependant il espérait, au moyen de ces délicates allusions, me faire comprendre le crime de mon obstination, et m’amener à y renoncer loyalement. Il augurait trop bien de moi ; tant de vertu était au-dessus de mes forces, comme elle était au-dessus de mon intelligence.