Page:Sand - Mauprat.djvu/190

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— J’en ai pris de telles que vous n’aurez jamais un reproche à me faire, répondis-je. Et maintenant, retirez-vous dans votre chambre, Edmée, et ne tirez plus les verrous ; vous n’avez plus rien à craindre de moi je ne voudrai jamais que ce que vous voudrez.

Elle attacha encore sur moi ses regards avec surprise, et, pressant ma main, elle s’éloigna, se retourna plusieurs fois pour me regarder encore, comme si elle n’eût pu croire à une si rapide conversion puis enfin, s’étant arrêtée sur la porte, elle me dit d’une voix affectueuse :

— Il faut aller vous reposer aussi ; vous êtes fatigué, vous êtes triste et très changé depuis deux jours. Si vous ne voulez pas m’affliger, vous vous soignerez, Bernard.

Elle me fit un signe de tête amical et doux. Il y avait dans ses grands yeux, creusés déjà par la souffrance, une expression indéfinissable, où la méfiance et l’espoir, l’affection et la curiosité, se peignaient alternativement et parfois tous ensemble.

— Je me soignerai, je dormirai, je ne serai pas triste, répondis-je.

— Et vous travaillerez ?

— Et je travaillerai… Mais vous, Edmée, vous me pardonnerez tous les chagrins que je vous ai causés, et vous m’aimerez un peu.

— Et je vous aimerai beaucoup, répondit-elle, si vous êtes toujours comme ce soir.

Le lendemain, dès le point du jour, j’entrai dans la chambre de l’abbé ; il était déjà levé et lisait.

— Monsieur Aubert, lui dis-je, vous m’avez proposé plusieurs fois de me donner des leçons ; je viens vous prier de mettre à exécution votre offre obligeante.

J’avais passé une partie de la nuit à préparer cette phrase de début et le maintien que je voulais garder vis-à-