Page:Sand - Mauprat.djvu/222

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terprétations ! et cependant vous n’avez pas deviné juste une seule fois.

— Oh ! mon Dieu, si ! dit-elle en jetant le bouquet sur la cheminée ; vous allez voir. J’aime un peu M. de La Marche, et je vous aime beaucoup. Il m’aime passionnément et vous ne m’aimez pas du tout. Voilà la vérité.

— Je vous pardonne de tout mon cœur cette méchante interprétation à cause du mot beaucoup, lui répondis-je.

Et j’essayai de prendre ses mains ; elle les retira brusquement, et, en vérité, elle eut tort, car, si elle me les eût abandonnées, je me fusse borné à les serrer fraternellement ; mais cette sorte de méfiance réveilla des souvenirs dangereux pour moi. Je crois qu’elle avait ce soir-là dans son air et dans ses manières beaucoup de coquetterie, et jusque-là je ne lui en avais jamais vu la moindre velléité. Je me sentis enhardi sans trop savoir pourquoi, et j’osai lui faire des remarques piquantes sur son tête-à-tête avec M. de La Marche. Elle ne prit aucun soin pour repousser mes interprétations, et se mit à rire lorsque je la priai de me remercier de la politesse exquise avec laquelle je m’étais retiré en lui voyant froncer le sourcil.

Cette légèreté superbe commençait à m’irriter un peu, lorsqu’un domestique entra et lui remit une lettre en lui disant qu’on attendait la réponse.

— Approchez la table et taillez-moi une plume, me dit-elle.

Et, d’un air nonchalant, elle décacheta et parcourut la lettre, tandis que, sans savoir de quoi il s’agissait, je préparais tout ce qui était nécessaire pour écrire.

Depuis longtemps la plume de corbeau était taillée ; depuis longtemps le papier à vignettes de couleur était sorti du portefeuille ambré, et Edmée, n’y faisant aucune attention, ne se disposait point à en faire usage. La lettre dépliée