Page:Sand - Mauprat.djvu/53

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voulez savoir mon nom, apprenez qu’on m’appelle Bernard Mauprat et qu’un vilain qui touche à un gentilhomme mérite la mort.

— La mort ! toi, tu me donneras la mort, Mauprat ! s’écria le vieillard pétrifié de surprise et d’indignation. Et que serait donc Dieu si un morveux comme toi avait le droit de menacer un homme de mon âge ? La mort ! ah ! tu es bien un Mauprat, et tu chasses de race, chien maudit ! Cela parle de donner la mort et tout au plus si cela est né ! La mort, mon louveteau ! sais-tu que c’est toi qui mérites la mort, non pas pour ce que tu viens de faire, mais pour être fils de ton père et neveu de tes oncles ? Ah ! je suis content de tenir un Mauprat dans le creux de ma main, et de savoir si un coquin de gentilhomme pèse autant qu’un chrétien.

Et, en même temps, il m’enlevait de terre comme il eût fait d’un lièvre.

— Petit, dit-il à mon compagnon, va-t’en chez toi, et ne crains rien. Patience ne se fâche guère contre ses pareils, et il pardonne à ses frères, parce que ses frères sont des ignorants comme lui, et ne savent pas ce qu’ils font ; mais un Mauprat, vois-tu, ça sait lire et écrire, et ça n’en est que plus méchant. Va-t’en… Mais non, reste ; je veux qu’une fois dans ta vie tu voies un gentilhomme recevoir le fouet de la main d’un vilain. Tu vas voir cela, et je te prie de ne pas l’oublier, petit, et de le raconter à tes parents.

J’étais pâle de colère, mes dents se brisaient dans ma bouche ; je fis une résistance désespérée. Patience, avec un sang-froid effrayant, m’attacha à un arbre avec un brin de ramée. Il n’avait qu’à m’effleurer de sa main large et calleuse pour me plier comme un roseau, et cependant j’étais remarquablement vigoureux pour mon âge. Il accrocha la chouette à une branche au-dessus de ma tête, et le sang de l’oiseau,