Page:Sand - Mauprat.djvu/52

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Puis, tout à coup, prenant par les pieds la victime palpitante, il l’enleva de terre, et, venant à notre rencontre :

— Lequel de vous, malheureux, s’écria-t-il d’une voix tonnante, a lancé cette pierre ?

Celui de mes compagnons qui marchait le dernier s’enfuit avec la rapidité du vent ; mais Sylvain, saisi par la large main du sorcier, tomba les deux genoux en terre, en jurant par la sainte Vierge et par sainte Solange, patronne du Berry, qu’il était innocent du meurtre de l’oiseau. J’avais, je l’avoue, une forte démangeaison de le laisser se tirer d’affaire comme il pourrait et d’entrer dans le fourré. Je m’étais attendu à voir un vieux jongleur décrépit, et non à tomber dans les mains d’un ennemi robuste ; mais l’orgueil me retint.

— Si c’est toi, disait Patience à mon compagnon tremblant, malheur à toi, car tu es un méchant enfant, et tu seras un malhonnête homme ! Tu as fait une mauvaise action ; tu as mis ton plaisir à causer de la peine à un vieillard qui ne t’a jamais nui, et tu l’as fait avec perfidie, avec lâcheté, en dissimulant et en lui disant le bonsoir avec politesse. Tu es un menteur, un infâme ; tu m’as arraché ma seule société, ma seule richesse ; tu t’es réjoui dans le mal. Que Dieu te préserve de vivre si tu dois continuer ainsi !

— Ô monsieur Patience ! criait l’enfant en joignant les mains, ne me maudissez pas, ne me charmez pas, ne me donnez pas de maladie ; ce n’est pas moi ! Que Dieu m’extermine si c’est moi !…

— Si ce n’est pas toi, c’est donc celui-là ? dit Patience en me prenant par le collet de mon habit, et en me secouant comme un arbrisseau qu’on va déraciner.

— Oui, c’est moi, répondis-je avec hauteur ; et, si vous