Page:Sand - Mauprat.djvu/60

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lents ; bien reçu partout, au château comme à la chaumière, car c’était un métier qui se faisait avec succès et probité de père en fils dans sa famille, et que ses descendants font encore, il avait un gîte et une besogne assurée pour tous les jours de l’année. Aussi régulier dans sa tournée que la terre dans sa rotation, on le voyait, à époque fixe, reparaître dans les mêmes lieux où il avait passé l’année précédente, toujours accompagné du même chien et de la même longue épée.

Ce personnage était aussi curieux et plus comique, dans son genre, que le sorcier Patience. C’était un homme bilieux et mélancolique, grand, sec, anguleux, plein de lenteur, de majesté et de réflexion dans toutes ses manières. Il aimait si peu parler qu’il répondait à toutes les questions par monosyllabes ; toutefois, il ne s’écartait jamais des règles de la plus austère politesse, et il disait peu de mots sans élever la main vers la corne de son chapeau en signe de révérence et de civilité. Était-il ainsi par caractère ? ou bien, dans son métier ambulant, la crainte de s’aliéner quelques-unes de ses nombreuses pratiques par des propos inconsidérés lui inspira-t-elle cette sage réserve ? On ne le savait point. Il avait l’œil et le pied dans toutes les maisons ; il avait, le jour, la clef de tous les greniers, et place, le soir, au foyer de toutes les cuisines. Il savait tout, d’autant plus que son air rêveur et absorbé inspirait l’abandon en sa présence, et pourtant jamais il ne lui était arrivé de rapporter dans une maison ce qui se passait dans une autre.

Si vous voulez savoir comment ce caractère m’avait frappé, je vous dirai que j’avais été témoin des efforts de mes oncles et de mon grand-père pour le faire parler. Ils espéraient savoir de lui ce qui se passait au château de Sainte-Sévère, chez M. Hubert de Mauprat, l’objet de leur