Aller au contenu

Page:Sand - Mauprat.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Votre oncle Louis vient d’être tué. Venez, pour Dieu, venez, Bernard !

— Que le diable vous emporte tous ! m’écriai-je, et soyez tué vous-même, si je crois un mot de tout cela ; je ne suis pas si sot que vous pensez ; il n’y a de lâches ici que ceux qui mentent. Moi, j’ai juré que j’aurais la femme, et je ne la rendrai que quand il me plaira.

— Allez au diable ! répondit Laurent, vous faites semblant…

Les décharges de mousqueterie redoublèrent. Des cris affreux se firent entendre. Laurent quitta la porte et se mit à courir vers le bruit. Son empressement marquait tant de vérité que je n’y pus résister. L’idée qu’on m’accuserait de lâcheté l’emporta ; je m’avançai vers la porte.

— Ô Bernard ! ô monsieur de Mauprat ! s’écria Edmée en se traînant après moi, laissez-moi aller avec vous ; je me jetterai aux pieds de vos oncles, je ferai cesser ce combat, je leur céderai tout ce que je possède, ma vie, s’ils la veulent… pour que celle de mon père soit sauvée.

— Attendez, lui dis-je en me retournant vers elle, je ne peux pas savoir si on ne se moque pas de moi. Je crois que mes oncles sont là derrière la porte, et que, pendant que nos valets de chiens tiraillent dans la cour, on tient une couverture pour me berner. Vous êtes ma cousine, ou vous êtes une… Vous allez me faire un serment, et je vous en ferai un à mon tour. Si vous êtes une princesse errante, et que, vaincu par vos grimaces, je sorte de cette chambre, vous allez jurer d’être ma maîtresse et de ne souffrir personne auprès de vous avant que j’aie usé de mes droits ; ou bien moi, je vous jure que vous serez corrigée comme j’ai corrigé ce matin Flore, ma chienne mouchetée. Si vous êtes Edmée, et que je vous jure de me mettre entre votre