Page:Sand - Mauprat.djvu/79

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père et ceux qui voudraient le tuer, que me promettez-vous, que me jurez-vous ?

— Si vous sauviez mon père, s’écria-t-elle, je vous jure que je vous épouserais.

— Oui-da ! lui dis-je, enhardi par son enthousiasme, dont je ne comprenais pas la sublimité. Donnez-moi donc un gage, afin qu’en tout cas je ne sorte pas d’ici comme un sot.

Elle se laissa embrasser sans faire résistance ; ses joues étaient glacées. Elle s’attachait machinalement à mes pas pour sortir ; je fus obligé de la repousser. Je le fis sans rudesse ; mais elle tomba comme évanouie. Je commençai à comprendre la réalité de ma situation ; car il n’y avait personne dans le corridor, et les bruits du dehors devenaient de plus en plus alarmants. J’allais courir vers mes armes, lorsqu’un dernier mouvement de méfiance, ou peut-être un autre sentiment, me fit revenir sur mes pas et fermer à double tour la porte de la salle où je laissais Edmée. Je mis la clef dans ma ceinture, et j’allai aux remparts, armé de mon fusil, que je chargeai en courant.

C’était tout simplement une attaque de la maréchaussée ; il n’y avait là rien de commun avec Mlle de Mauprat. Nos créanciers avaient obtenu prise de corps contre nous. Les gens de loi, battus et maltraités, avaient requis de l’avocat du roi au présidial de Bourges un mandat d’amener, que la force armée exécutait de son mieux, espérant s’emparer de nous avec facilité au moyen d’une surprise nocturne. Mais nous étions en meilleur état de défense qu’ils ne pensaient ; nos gens étaient braves et bien armés, et puis nous nous battions pour notre existence tout entière ; nous avions le courage du désespoir, et c’était un avantage immense. Notre troupe montait à vingt-quatre personnes, la leur à plus de cinquante militaires. Une vingtaine de paysans lan-