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Page:Sand - Mauprat.djvu/80

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çaient des pierres sur les côtés ; mais ils faisaient plus de mal à leurs alliés qu’à nous.

Le combat fut acharné pendant une demi-heure ; puis notre résistance effraya tellement l’ennemi qu’il se replia et suspendit ses hostilités ; mais il revint bientôt à la charge, et fut de nouveau repoussé avec perte. Les hostilités furent encore suspendues. On nous somma de nous rendre pour la troisième fois, en nous promettant la vie sauve. Antoine Mauprat leur répondit par une moquerie obscène. Ils restèrent indécis, mais ne se retirèrent pas.

Je m’étais battu bravement ; j’avais fait ce que j’appelais mon devoir. La trêve se prolongeait. Nous ne pouvions plus juger de la distance de l’ennemi et nous n’osions risquer une décharge dans l’obscurité, car nos munitions de guerre étaient précieuses. Tous mes oncles étaient cloués aux remparts dans l’incertitude d’une nouvelle attaque. L’oncle Louis était grièvement blessé. Ma prisonnière me revint en mémoire. J’avais, au commencement du combat, entendu dire à Jean Mauprat qu’il fallait, en cas de défaite, l’offrir à condition qu’on lèverait le siège, ou la pendre aux yeux de l’ennemi. Je ne pouvais plus douter de la vérité de ce qu’elle m’avait dit. Quand la victoire parut se déclarer pour nous, on oublia la captive. Seulement, le rusé Jean se détacha de sa chère couleuvrine qu’il pointait avec tant d’amour, et se glissa comme un chat dans les ténèbres. Un mouvement de jalousie incroyable s’empara de moi. Je jetai mon fusil, et je m’élançai sur ses traces, le couteau dans la main, et résolu, je crois, à le poignarder s’il touchait à ce que je regardais comme ma capture. Je le vis approcher de la porte, essayer de l’ouvrir, regarder avec attention par le trou de la serrure, pour s’assurer que sa proie ne lui avait pas échappé. Les coups de fusil recommencèrent. Il tourna sur ses ta-