Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/105

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gare de Vaubuisson, il était neuf heures du soir. Rentrer chez moi n’était qu’une promenade ; mais le vieillard avait une bonne lieue à faire ; il tombait une petite pluie fine, et il n’était guère vêtu. Je l’ai engagé à venir passer la nuit chez moi, bien que je ne sois pas chez moi ; mais les Diamant m’eussent approuvé de tout leur cœur. Impossible de faire consentir ce vieil entêté à découcher. J’ai voulu lui prêter mon pardessus. Il m’a envoyé paître.

— Un pardessus ! à mon âge ! Allons donc ! c’est bon pour vous, papa !

Et le voilà parti en riant et en courant à travers la campagne humide et sombre.

J’étais tout de même inquiet de mon fils de soixante-treize ans, et, ce matin, je suis sorti plus tôt que de coutume pour aller le voir. Son rhume l’avait repris, il grelottait la fièvre, et criait, tout en riant, par suite des douleurs lancinantes d’un point de côté. Je l’ai forcé de se coucher, je l’ai réchauffé, et il s’est endormi un peu brusquement. Puis sont venus les rêves, l’étouffement et un peu de délire. Je voulais le garder, et pourtant avertir madame Laroze, et demander un médecin. Je guettais par la fenêtre les gens qui passent quelquefois sur le sentier. Il ne passait personne. Farfadet était fort inquiet ; il paraissait comprendre ma situation. Une idée bizarre me traversa l’esprit. Si ce chien comprend la parole, ou du moins certaines paroles à son usage, je pouvais bien tenter une expérience, et, me rappelant la manière de procéder de son maître, je saisis un moment d’attention bien marquée de sa part, un de ces moments où deux yeux de chien se fixent sur vous comme deux points d’interrogation, et je lui dis gravement : « Allez chez madame