Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/108

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lui boire ce que j’ai préparé dans la tasse, mais seulement quand l’étouffement sera tout à fait passé. Après cela, elle en sera quitte pour aujourd’hui, pour plusieurs jours peut-être, et vous pourrez la laisser. Elle n’est pas au dernier période de son mal ; mais elle souhaite la mort quand elle souffre, et elle se couche sur la poitrine, espérant étouffer. L’accès passé, elle est plus raisonnable, et, comme chez tous les malades, la résignation revient avec l’espoir.

Me voilà donc resté seul avec cette moribonde et remplissant auprès d’elle le rôle de mademoiselle Vallier. Soit que l’accès fût passé, soit que l’étrangeté de la circonstance fit diversion au mal, la petite malade demeura très-calme, en silence, bien assise, et disposée à obéir aux prescriptions du médecin. Je m’étais placé à la tête du hamac et je la regardais avec surprise, car je m’apercevais enfin que c’était une négresse blanchie par la maladie et devenue presque jolie, autant du moins qu’un spectre peut représenter l’idée de la beauté. Je regardai aussi la chambre où nous nous trouvions. C’était une espèce de salon pauvre. Un autre hamac était roulé contre la muraille. Quelques chaises de paille, une table à ouvrage très-jolie, un bureau très-simple, un piano, un grand fauteuil moelleux, quelques objets de peu de valeur, mais étranges dans ce dortoir de jeunes filles : des échantillons minéralogiques sur une petite étagère, un casse-tête de sauvage, un collier de griffes d’ours, une paire de pistolets. Je ne sais quels souvenirs vagues semblaient s’attacher à la vue de ces objets, et mes yeux se fixaient machinalement sur la bordure en plumes du hamac où reposait la malade, comme si, dans une existence antérieure, je me fusse déjà trouvé