Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/117

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croyais qu’ils se connaissaient davantage ! Alors, ce jeune homme a d’autant plus de mérite à le soigner si bien.

— Si vous pensez qu’il est honnête comme il en a l’air, je peux vous laisser avec lui, car je ne vous cache pas que je fais bien faute chez moi.

— Allez, madame Laroze ; mais envoyez-moi votre belle-sœur le plus tôt possible, pour que je puisse rendre la liberté à ce pauvre garçon. Laissons-le dormir en attendant. Il doit en avoir besoin.

— Et puis les hommes ! reprit madame Laroze en s’en allant, ça ne sait guère veiller. Ça n’est pas comme nous… comme vous surtout qui ne dormez jamais une bonne nuit ! À présent que vous pourriez vous reposer un peu de votre malade, vous voilà auprès de ce vieux !

— Que voulez-vous ! c’est comme cela ! répondit Aldine avec son ton résigné et enjoué quand même.

Je n’osai feindre de dormir plus longtemps, et, pendant que mademoiselle Vallier reconduisait madame Laroze, je me secouai et me remis sur mes pieds en toute hâte ; mais, avant qu’elle m’eût engagé à partir, le médecin arriva et me prescrivit de rester. Il trouvait M. Sylvestre bien affaibli. Si la nature n’opérait pas une forte réaction, il ne passerait pas la journée, et quelle réaction espérer à soixante et treize ans, après cette vie de fatigue et de misère ? Eh bien, il se trompait, le jeune médecin ! La réaction s’est faite au bout de deux heures. Les sueurs sont venues, la tête s’est dégagée, M. Sylvestre a recouvré toute sa raison et s’est étonné de nous voir là. Il ne se savait pas malade. Le médecin est revenu le soir, il dit que notre ami est sauvé ; mais il faut l’empêcher de se découvrir en dor-