Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/119

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quand même avec l’espérance. Tu crains de comparaître devant le grand justicier ? Insensé ! tu ne le verras jamais, car tel que tu le conçois il n’existe pas. Sa justice ne peut pas être faite comme la nôtre, qui réprime et châtie. Châtier ! la plus grande douleur qui puisse être infligée à l’amour ! Non, non, Dieu ne la connaît pas, Dieu serait trop malheureux !

Et, comme mademoiselle Vallier l’engageait à se calmer :

— Je suis calme, répondit-il. Où sont ceux qui m’ont fait du mal ? Je ne les connais plus, j’ai tout oublié.

Il s’est endormi paisible, et, ce matin, il est tout à fait hors de danger. Nous lui avons administré le fébrifuge prescrit. Madame Laroze reviendra veiller ce soir, mademoiselle Vallier retournera chez elle ; mais, moi, quoi qu’on puisse me dire, je ne quitterai l’ermite que quand il sera debout.

Cette maladie mortelle dont je le vois triompher après avoir traversé avec tant de douceur et de sérénité des crises voisines de l’agonie m’a donné beaucoup à réfléchir. À mon âge, on ne songe, je crois, jamais à la mort, et, d’ailleurs, je ne m’étais jamais trouvé au chevet d’un mourant. Quelle chose facile et simple que cet affaissement rapide, ces rêves sans terreur, ce sommeil d’enfant par lequel on entre dans l’éternelle nuit sans en avoir conscience ! Il est vrai que, pour avoir la mort douce, il faut peut-être avoir les doux instincts et les riantes illusions de mon ermite. Heureux ceux qui croient ! Il ne faut pourtant pas convenir de cela, si leur croyance est un mensonge. La vérité n’est-elle pas le bien suprême, et faut-il lui préférer le bonheur ?