Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/120

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20 avril.

La fièvre a tenté de reparaître cette nuit, mais elle a avorté sous la mystérieuse et puissante influence de la quinine. Le malade a eu seulement, de quatre à six heures du matin, un peu d’excitation avec beaucoup de lucidité. Il m’a appelé près de lui en me disant :

— Je ne peux plus dormir. Je ne sens plus rien de cette maladie ; combien donc a-t-elle duré ?

— Huit jours.

— Tout cela ! Ces huit jours ont passé pour moi comme une heure ; pourtant tout ce que j’ai rêvé est incroyable ; mais ce n’était pas ennuyeux, et le temps m’a paru court. M’a-t-on beaucoup drogué ?

— Le moins possible.

— C’est encore trop, car, si on ne m’eût rien fait, je serais debout maintenant sans perte de forces ou endormi pour toujours sans combat et sans fatigue.

— Vous ne croyez pas à la médecine ?

— Si fait, j’y crois comme à une chose empirique qui nous sauve à la condition de nous épuiser. C’est tant pis pour nous lorsque nous n’avons pas la force de supporter le remède. C’est peut-être tant pis aussi lorsqu’il nous tire d’un mauvais pas pour nous laisser dans un mauvais chemin le reste de notre vie.

— Craignez-vous de ne pas guérir complètement ? J’espère que vous vous trompez ; on répond de vous.

— Moi, je réponds d’y faire mon possible en ne changeant rien à mes habitudes et en reprenant ma vie active ; mais il n’en est pas moins vrai que, si vous m’eussiez laissé lutter tout seul contre mon mal.