Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/121

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je m’en fusse plus vite débarrassé dans un sens ou dans l’autre.

— Alors, vous en voulez un peu à vos amis d’avoir, agi pour vous comme ils agiraient pour eux-mêmes ?

— Non pas ! La médecine trouvera peu à peu le moyen de tout guérir sans rien tuer en nous. Il faut bien qu’elle expérimente sur nous, et que nous nous soumettions à payer ses tâtonnements. Nous lui appartenons à nos risques et périls, comme nos volontés, nos intelligences et notre dévouement appartiennent à tout progrès. Je me suis dit cela en voyant le médecin près de moi. J’ai pensé à la mort, dont je n’avais pas encore eu l’avertissement dans mon sommeil, et je me suis dit : « Allons ! voici le creuset ! j’en sortirai or ou poussière. » J’eusse mieux aimé me passer de cela et n’avoir affaire qu’à dame nature, qui est plus maligne qu’on ne croit ; mais il ne faut ni vivre ni mourir en égoïste, et nous allons voir l’effet des poisons. Si ce jeune médecin me tue, il saura qu’il faut ménager la dose à un autre, et ses autres malades le trouveront plus prudent !

» Savez-vous, dit-il encore après une pause, que je crois avoir un peu vu, pendant quelques instants, de l’autre côté de la colline de la vie ? Vous me demanderez comme c’était fait par là ? Mon Dieu, c’était fait comme mon propre esprit voulait que ce fût fait, et ce sera vraisemblablement ainsi, car nos instincts sont des révélations. Chacun rêve son paradis à sa manière, c’est son droit. Le seul droit qu’il n’ait pas, c’est de vouloir imposer aux autres la forme que sa vie présente imprime d’avance à sa vie future. Chacun va où il veut aller, car, si la mort n’était pas la délivrance, elle ne serait pas un bien. Dieu merci, elle est un bien