Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/128

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vie, apercevra-t-elle une lumière… On peut toujours se purifier, même après ! L’expiation est l’éternelle source de rajeunissement. Qui sait si je n’ai pas été un tigre, moi, dans quelque existence lointaine dont la bonté de Dieu m’a ôté le souvenir et retiré la fatalité ? Et puis on expie peut-être pour les autres ; dans le dogme chrétien, il y a une chose qui me plaît, c’est cette âme aimante qui croit épuiser en elle toutes les douleurs de l’humanité. Et qui sait si ces larmes que je répands n’ont pas une vertu mystérieuse ? Vous qui les recueillez, souvenez-vous d’un vieillard immolé qui souffrait beaucoup et qui vous faisait pitié. Si jamais vous êtes tenté de souiller des cheveux blancs, vous vous rappellerez ce que vous voyez ici.

En parlant ainsi, il pleurait et avouait sans honte sa faiblesse.

— Ces larmes vous soulagent peut-être, lui dis-je : mais il ne faudrait pas aller jusqu’à la fatigue. Pouvez-vous faire un effort pour vous distraire de vos peines ?

— Oui, dit-il, je veux essayer. Je ne voudrais pas remourir en pensant à ces choses de la vie présente : elles sont trop sombres, et vous allez m’aider à chasser les spectres de mon monde intérieur. Parlez-moi de vous ; ayez confiance en moi. Dites-moi qui vous êtes et d’où vous venez.

Je n’hésitai pas à lui raconter en quelques mots ma courte et vulgaire existence sans nommer personne et sans entrer dans d’inutiles détails. Il m’écouta avec attention, et, comme j’étais forcé, après avoir effleuré l’histoire des deux premières tentatives de mariage de mon oncle à mon égard, d’être un peu plus explicite