Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/148

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

amoureux ; mais je ne sais pas si elle est belle ou laide, je ne l’ai jamais vue, et ça m’est parfaitement égal. Eh bien, je suis veuf, j’ai quarante ans et plusieurs millions. J’ai donc l’esprit assez sérieux et la bourse assez bien garnie pour vouloir à tout prix élever on ne peut mieux mes deux mioches, une fillette de cinq ans et un garçon trop jeune encore pour le collége. J’ai pour eux spécialement une gouvernante, une bonne et un groom. Le groom est gentil, la bonne dévouée, la gouvernante assez soigneuse, mais enragée de prosélytisme, et voulant faire absolument baptiser mes petits juifs. Je tiens, moi, à ce qu’ils gardent la foi de leurs pères, et je renvoie la gouvernante. Il m’en faut vite une autre. On va m’en proposer cent ; mais j’ai dans l’idée que la meilleure de toutes est là, près de moi, sous ma main. C’est une vertu éprouvée, et je sais que, pieuse ou non, quand elle peut quitter sa malade, ce n’est pas pour aller faire sa cour aux curés, mais pour soigner l’ermite, qui est un vieux esprit fort, à ce qu’on m’assure. J’ai déjà fait une tentative l’année passée pour qu’elle vînt donner des leçons à mon petit Sam, qui a des dispositions musicales merveilleuses. Il n’y a pas eu moyen. J’ai offert d’envoyer l’enfant étudier chez elle : la malade était trop mal. Enfin cette année voici ce que de premier mouvement, sauf votre avis, j’imagine. Je prendrais chez moi la noire avec la blanche ; elles auraient pour elles deux un joli pavillon dans mon parc, avec nourriture, entretien complet et trois mille francs d’appointements. Vie de famille ou vie à part, vie d’anachorète, si bon lui semble, pourvu qu’elle apprenne à lire à la petite et qu’elle enseigne la musique au petit, tout en leur parlant raison et morale de temps