Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/153

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

sens et de sa volonté est écrite sur sa figure moitié bestiale, moitié divine, car il est très-beau, du front jusqu’au bout du nez ; le reste est inquiétant. Non, il ne faut pas qu’Aldine accepte d’aller chez lui, elle y subirait des obsessions outrageantes, et qui sait à quelle vengeance le dépit d’avoir échoué porterait un homme de cette trempe ?

Je devais défendre Gédéon. J’affirmai à M. Sylvestre que je le croyais homme d’honneur.

— Qu’il soit homme d’honneur en affaires, je n’en doute pas, puisque vous le dites, reprit M. Sylvestre. Je sais qu’il fait beaucoup de bien, soit pour se faire pardonner sa richesse, soit par inclination naturelle. Ne croyez pas que j’aie des préventions contre lui ni contre sa race ; j’en ai eu autrefois comme tant d’autres, mais l’étude philosophique détruit les préjugés, et les hommes de l’Ancien Testament ont peut-être aujourd’hui plus de nouveauté dans les idées que les hommes du nouveau dogme. C’est une fière race, allez ! intelligente comme nous ne le sommes peut-être plus, mais encore primitive à bien des égards, c’est-à-dire terrible dans ses instincts. Non, non, Aldine n’acceptera pas son hospitalité dangereuse ! je ne le veux pas.

Je t’avoue, mon cher Philippe, que je ne le voulais pas non plus, et que j’ai attendu avec une assez vive impatience le retour de M. Sylvestre. Il ne va pas encore bien vite, ses jambes se ressentent de la maladie, et il ne met pas moins d’une demi-heure maintenant pour descendre au bord de la rivière, à l’endroit où elle rase le premier degré de la colline. C’est là que mademoiselle Vallier va ordinairement le rejoindre un instant, quand elle peut sortir. Je craignais telle-