Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/161

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bitude. Moi qui me pique d’être positif, je m’y sens dépassé, et cette éternelle préoccupation d’affaires qui ne m’intéressent pas me fait là un isolement moral qui ne m’amuse pas toujours. On m’y offre les moyens de faire fortune, mais je ne me laisse pas tenter. Je comprends que l’on s’enrichisse en risquant ce qu’on a, c’est un travail, une science, un art si l’on veut ; mais risquer ce qu’on n’a pas, en acceptant des avances et en faisant travailler les autres à sa place, ne convient pas à un homme jeune qui veut être l’artisan de sa destinée et qui est dominé par l’amour des idées.

Tu me demanderas pourquoi je vais souvent là. Il y a des livres, de la liberté, des nouvelles ; deux ou trois femmes aimables y ont été amenées par M. et madame Duport, et, ces jours-là, les causeries sont plus animées, les préoccupations moins exclusives. Pourquoi ne rentrerais-je pas dans le mouvement de la civilisation, tout en gardant mon indépendance d’ermite ?

Je veux même rendre cette indépendance plus entière. Je vais quitter la maison Diamant, que les enfants du tailleur rendent un peu bruyante, et où je crains de gêner leurs ébats. J’ai loué la maisonnette occupée récemment par mademoiselle Vallier. J’y serai plus près de la Tilleraie, il est vrai, mais aussi plus près de M. Sylvestre. Je verrai mes fenêtres et mes arbres de cet hiver. Ma vue d’été sera l’inverse de ce qu’elle est maintenant, ça me changera un peu. J’ai trouvé une vieille femme pour faire mon ménage et mon dîner. Cela augmente très-légèrement ma dépense, et mon travail y gagnera en tranquillité.

Mais mademoiselle Vallier, me diras-tu ? Eh bien, quoi ? Mademoiselle Vallier est installée à la Tilleraie dans un charmant pavillon où sa négresse est en train