Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/198

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man y consente, elle peut être bien sûre que je l’aimerais toujours et que son père ne m’en empêchera pas, n’est-il pas vrai, monsieur Pierre ?

— Vous pouvez en être sûre ; je ne connais pas de cœur plus généreux et plus délicat que celui de M. Sylvestre.

— Ah ! j’aime à entendre dire cela ! Et comme il parle bien, comme il est éloquent, mon grand-père l’ermite ! comme il est beau avec ses grands yeux noirs, ses épais cheveux gris tout bouclés et son costume pittoresque !

Le costume pittoresque me donna à réfléchir. Il est bien vrai que, chez lui, pour ménager sa fameuse redingote, M. Sylvestre s’enveloppe dans je ne sais quel lambeau de couverture de voyage qu’il a coupée et agencée à son usage et qu’il lui plaît d’appeler une robe de chambre. Le hasard ou peut-être l’instinct d’un goût naturel a fait à son insu de cette guenille quelque chose d’assez heureux de couleur et de forme. En outre, ses cheveux sont encore superbes, et il ne les cache pas quand il est chez lui ; mais, dès qu’il sort, il les ramasse sous une calotte noire qui lui descend jusqu’aux sourcils, et qui, en masquant son beau front, fait par trop valoir la majestueuse proéminence de son nez. Il a adopté cette calotte, que surmonte triomphalement un chapeau vénérablement démodé, dans un temps où il voulait effacer tout vestige de ressemblance avec l’homme qu’il ne voulait plus être. La précaution est bien inutile aujourd’hui que tout le monde l’a oublié ; mais l’habitude a prévalu, et la redingote, qui porte au moins la date des glorieuses journées de juillet, est quelque chose de si fantastique sur ce long corps maigre, que je crains