Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/202

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

dise, il lui faut ces joies et ces peines-là, à lui dont le cœur ne se refroidira jamais.

— Je pense comme vous sur ce point ; mais je ne puis si vite accepter mademoiselle Jeanne comme une si généreuse nature ; je ne la connais pas assez, et jusqu’ici je la trouve plus romanesque et plus exaltée que tendre et soumise. Si nous attendions encore un peu pour la juger ? Vous-même ne craignez-vous pas de lui prêter les qualités qui sont en vous ?

— Non, et j’ai, pour désirer que nous ne perdions pas de temps, une raison bien grave. Jeanne pressent déjà quelque chose de fâcheux et d’anormal dans sa position. D’un jour à l’autre, une indiscrétion, un hasard, une indélicate sollicitude, peuvent l’éclairer tout à fait… Si on pouvait lui épargner la honte et la douleur de connaître et de comprendre l’infamie de sa mère !… si on pouvait la soustraire à la mauvaise influence qu’une pareille découverte peut avoir sur elle, et la remettre, encore ignorante et confiante, entre les mains de M. Sylvestre, ce serait infiniment meilleur pour elle et pour lui.

— Je le crois aussi, et vous l’emportez. Donc, je vais chercher le moyen de hâter la séparation entre la mère et la fille sans que celle-ci en sache le motif. Il s’agit de savoir qui portera la parole à cette femme. Ce ne peut être moi. Je suis trop jeune, et je la connais trop peu. Ce ne peut être aucune des personnes qui sont ici, puisque toutes doivent ignorer le lien qui existe entre le mystérieux ermite des Grez et la trop célèbre Irène…

— Vous oubliez qu’une de ces personnes sait tout, et qu’elle donnerait sa vie pour épargner à M. Sylvestre