Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/214

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je le ramène à moi, elle lui pardonnera tout. N’est-ce pas que c’est une bonne mère ? Vous, vous êtes une méchante amie de ne vouloir pas me parler de lui dans vos lettres. Vous craignez que je n’y pense trop ? Si j’y pense trop, ce sera tout de même votre faute. Pourquoi m’avez-vous dit tant de bien de lui ? C’est égal, vous êtes mon bon ange, et je vous aime de tout mon cœur. Vous avez pourtant des jours où vous êtes méchante, ma belle enfant ! M’avez-vous assez grondée d’avoir parlé à M. Pierre de notre mariage manqué ! Vous dites que c’est de la coquetterie. Eh bien, quand même ? Est-ce que je n’ai pas le droit de vouloir plaire à un jeune homme qui n’a rien, moi qui suis riche, et qui n’est pas bien beau, moi qui suis, à ce qu’on dit, une des beautés de Paris ? Où est donc mon crime de me sentir désintéressée, généreuse, et pleine de confiance en lui ? S’il ne comprend pas cela, il n’a pas de cœur ; mais Rébecca, qui est plus consolante que vous, me jure qu’il en a, et qu’il est d’autant plus amoureux de moi qu’il s’en défend et le nie. Nous verrons bien. Je viens de me commander une robe… Oh ! ma chère, vous verrez ça, une merveille ! une gaze algérienne avec un filet d’argent presque invisible, mais d’un pur ! Les quatorze mètres de la jupe passent dans ma bague sans se chiffonner. Avec ça, Dorothée m’a inventé une nouvelle coiffure qui fait bien autrement valoir mes cheveux ! À propos, pourquoi donc ne voulez-vous pas prendre un jour de vacances et venir dîner chez nous un dimanche ? Maman serait si contente de vous recevoir ! Elle dit que, si vous vouliez être ma dame de compagnie, elle vous donnerait le double de ce que vous gagnez chez M. Nuñez. Songez-y, ça en vaudrait bien la peine, et je serais si heureuse