Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/219

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gement, qu’elle en a été touchée. Alors, elle m’a dit qu’elle savait vos projets, que Jeanne les lui avait confiés, et qu’elle ne s’y opposerait pas, si je voulais accompagner sa fille. Il m’a bien fallu lui dire que cela était impossible, que j’étais pauvre, que je ne pouvais me séparer de Zoé, que je devais gagner ma vie et la sienne, et que vous n’étiez pas assez riche pour payer une gouvernante. Alors est revenue cette triste question d’argent. Elle m’a offert un traitement considérable, et, malgré le soin que j’ai mis à ne pas le refuser avec trop de vivacité et à ne pas vouloir motiver mon refus, elle a compris de reste que l’idée de lui devoir quelque chose m’était aussi antipathique qu’à vous-même. Elle s’est emportée contre nos fausses délicatesses, contre notre intolérance et nos implacables préjugés. Tout ce que le dépit lui a fait dire là-dessus m’a semblé bien curieux. Elle y mettait autant de passion, autant d’éloquence, autant d’indignation que si elle eût plaidé une cause juste contre des ennemis acharnés et cruels. Elle a déclamé contre la pudeur et la fierté, cherchant à rabaisser avec amertume tout ce qu’elle sent au-dessus d’elle ; enfin elle ne m’a pas plus épargnée que les autres, et m’a fait entendre que j’étais désireuse de plaire à M. Nuñez. J’avoue que j’ai été en colère ; mais elle ne l’a pas vu, et mon apparente patience l’a forcée de rentrer en elle-même, ou tout au moins de faire semblant. Elle a essayé alors de jouer le rôle d’une pécheresse repentante : mais elle m’a déplu davantage sous cet aspect, et ses feintes larmes ne m’ont pas attendrie. Enfin, après bien des paroles et des émotions inutiles, elle a cédé, non à ce qu’elle appelle votre obstination et votre bizarrerie, mais à une considéra-