Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/220

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tion dont vous ne vous doutez pas, et dont il faut bien que je vous parle.

Apprenez, mon ami, que Jeanne aime ou croit aimer M. Pierre. Je ne crois pas, moi, que ce soit bien sérieux. Elle est si enfant ! Vraiment, Jeanne n’a encore que quinze ans pour l’expérience et la réflexion. Elle s’abandonne à ses premières impressions avec une naïveté étonnante, et elle donne tout à coup le nom de passions à ses caprices. Heureusement, le moindre jouet, une robe, un éventail, une ceinture l’occupe tout autant qu’un projet de mariage. Quand elle sera avec vous, elle vous parlera certainement à cœur ouvert, et ce sera à vous de juger si vous devez approuver son choix ou l’en dissuader. Je crois savoir d’avance votre opinion : vous aimez et vous estimez M. Pierre ; mais vous le trouvez trop positif pour son âge, et je suis un peu de votre avis. Je crains qu’il ne soit pas du tout disposé à aimer Jeanne comme il faudrait l’aimer pour oublier sa mère ; mais il y a ici une petite madame Duport qui, à je ne sais quelle intention, lui monte la tête et lui fait croire que M. Pierre est amoureux d’elle. Plût au ciel que ce fût vrai, car il ne manque à ce brave et bon jeune homme qu’un peu d’enthousiasme et de foi. Certes il serait digne de vous appartenir, et, le jour où il serait assez ému pour se charger de l’avenir de Jeanne, on pourrait être tranquille sur cet avenir. Quanta moi, je fais mon possible pour qu’il apprécie le charme, la bonté, la généreuse confiance et la touchante naïveté de Jeanne.

Madame Irène croit-elle réellement que l’amour de Jeanne soit sérieux ? Elle déteste M. Pierre, et pourtant elle désire vivement qu’il soit son gendre. Est-ce