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XXXVI

DE PHILIPPE À PIERRE


Volvic, 6 juillet.

Mon cher enfant, je n’aime pas ce qui se passe autour de toi. Je n’aime plus mademoiselle Vallier du moment qu’elle est si positive ; mais je crains que tu ne la regrettes sérieusement, et je crains aussi qu’on ne te rende amoureux de Jeanne, mal amoureux, par dépit ou par caprice, et qu’entraîné dans quelque folle équivoque, tu ne te trouves forcé d’épouser la fille de la courtisane. C’est ce qu’il ne faudrait pas. Tu me parais très-bien pénétrer le plan de madame Rébecca ; mais le deviner n’est pas le déjouer. Moi, je ne crois pas du tout au grand caractère de cette Jeanne qui se débarrasse si brusquement et si facilement de sa mère, mais qui ne voudra peut-être pas se débarrasser d’un avenir de cent mille livres de rente pour plaire à son grand-père et à toi le jour où tu aurais fait la sottise (Dieu t’en garde !) de te compromettre auprès d’elle. Je sais bien qu’on peut faire ce qu’indique M. Gédéon, utiliser pour les pauvres les talents d’or de Laïs ; mais, je suppose que sa fille y consente, quel sera le lendemain d’un tel sacrifice ? Il faut une certaine vertu pour quitter ses habits roses et tout ce qui s’ensuit, quand on est une des beautés de Paris, nourrie dans le luxe et habituée à ne rien faire. Je te voudrais plus loin de la Tilleraie et plus près de moi.