Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/25

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à la campagne en plein hiver, chercher la solitude, se recueillir au milieu d’une vie de succès, c’est charmant ; mais toi, que vas-tu faire de tes vingt-cinq ans dans une thébaïde ! à une heure de Paris, c’est-à-dire avec l’enfer à ta porte !

Je sais bien que tu as la prétention d’être le plus positif des jeunes hommes de ton temps, que par conséquent tu dédaignes le péril des entraînements de cœur et d’imagination. Je veux bien croire que les forces de ta volonté et de ton orgueil sont à la hauteur de ton programme ; mais il y a les sens qui ne peuvent pas s’éteindre ainsi à un commandement de la raison, et l’ennui est une forme de l’inaction de nos instincts. Vas-tu te macérer comme un anachorète, ou prendre pour compagne une solitaire de ton espèce ? Les environs de Paris n’en fourmillent pas, que je sache, et je n’en vois pas errer par le froid et la pluie dans ces prés marécageux et sous ces pommiers sans feuilles, à moins d’en revenir abominablement crottée, ce qui n’a rien de poétique.

Plaisanterie à part, tu ne peux rester ainsi, toi qui sors brusquement, sinon des hautes élégances, du moins des riantes facilités de la vie parisienne. Une grande fièvre de travail rendrait tout possible ; mais où trouveras-tu cette fièvre ? Tu ne la connais pas, elle ne t’a jamais visité, tu n’as jamais été forcé de compter les heures et d’arriver à un but déterminé en toute hâte. En un mot, tu n’as jamais eu de devoirs à remplir qu’envers toi-même. Tu les as remplis aussi bien que possible, je le reconnais. Tu pouvais être un libertin imbécile ; on te donnait assez d’argent pour te mettre à même de faire des dettes et des sottises. M. Piermont eût tout payé. Le cher oncle aime et res-