Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/267

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délicate situation où elle se trouve placée. Si elle aime Gédéon, c’est avec tant de pudeur et de retenue, qu’il est impossible de surprendre en elle la plus légère émotion au milieu des soins dont il l’entoure et des prévenances dont il l’accable en quelque sorte ; car elle ne peut faire un mouvement, lever les yeux ou étendre la main sans qu’il se précipite pour deviner ce qu’elle veut et la servir avec une impétuosité convulsive. Je ne sais si elle en est flattée ou importunée, elle a l’air de ne pas s’en apercevoir. Elle lui parle avec une liberté d’esprit extraordinaire, mais on ne peut deviner si c’est l’effet d’une confiance absolue ou d’une indifférence inexorable. Cela est bien singulier, et j’en suis réduit à croire qu’elle prend tranquillement possession du rang qu’il lui offre comme d’une chose due à ses instincts de haute sagesse et de grâce accomplie. Oui, elle est née pour les situations les plus élevées, les plus difficiles peut-être, et Gédéon comprend qu’elle lui fait beaucoup d’honneur en agréant ses millions.

Pourtant rien ne trahit chez elle l’ambition grande ou petite. La conversation a roulé sur l’ermite des Grez. Gédéon l’a vu plusieurs fois, et il fait le plus grand éloge de son esprit et de ses manières. Ses sœurs, qui n’avaient jamais été bien curieuses des bizarreries de ce vieillard, commencent à chercher par quel moyen elles l’attireront chez elles, et ni mademoiselle Vallier ni moi ne suffisions à répondre à leurs questions. Elles voulaient absolument deviner quel personnage autrefois important pouvait être cet homme supérieur tombé dans une si profonde misère, ou volontairement adonné à la vie cénobitique. Elles cherchaient naïvement quelle figure historique avait