Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/266

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

lité. Il lui a reproché de ne jamais paraître aux soirées de musique, et il lui a demandé si c’était par coquetterie, c’est-à-dire par manque de toilette, qu’elle se cachait ainsi. La négresse a répondu que non, qu’elle avait de plus belles robes que maîtresse, parce que, quand maîtresse en achetait deux, elle gardait pour elle la plus laide et la moins chère. Elle a ajouté que, quant à elle, si elle ne venait pas au salon, c’est parce qu’elle était noire, née esclave, par conséquent moins qu’une domestique blanche.

Comme Gédéon allait probablement, dire ce que j’étais en train de penser, j’eus l’étourderie de le dire avant lui. Je fis observer à Zoé qu’elle avait été soignée et traitée par mademoiselle Vallier comme une sœur, et que dès lors tout le monde lui devait les mêmes égards qu’à sa maîtresse. Mademoiselle Vallier me regarda avec surprise, et je me hâtai d’ajouter que j’exprimais à coup sur la pensée du maître de la maison.

— Et je vous remercie de m’avoir si bien deviné ! s’écria Gédéon en souriant, car je n’aurais pas su m’exprimer aussi bien.

Il avait peut-être un peu de dépit ; mais je m’attachai à le dissiper, et il reprit confiance ; la causerie devint amicale et facile.

Je ne connaissais vraiment pas mademoiselle Vallier. C’est plus qu’une charmante femme, c’est une femme fortement trempée, et je ne suis plus du tout surpris qu’un homme riche et solidement posé dans la société veuille la mettre à la tête de sa famille et de sa maison. Il faut qu’elle ait un tact exquis et un profond sentiment des plus hautes convenances pour se maintenir avec tant de modestie et de fierté dans la