Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/27

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trouvé le tien trop bien fait, manquant de fantaisie, ennuyeux par conséquent. Ç’a été l’avis du public, qui ne lui a accordé qu’un succès d’estime.

Je te crois trop raisonnable pour avoir l’esprit de saillies, et il en faut au théâtre, quel que soit le genre. Il en faut aujourd’hui surtout ; on est si dégoûté de la réflexion !

As-tu de l’imagination ? Je ne sais pas. Tu as le sens poétique ; mais l’invention ? Pour être romancier, il faut être romanesque, comme il faut être lièvre pour devenir civet. Or, il me semble qu’en te passionnant pour le sens positif de toutes choses, tu as dû étouffer en toi, sans y prendre garde, le germe des autres passions et détruire celui des douces hypothèses qui colorent la notion du fait. Tu n’as réellement pas vécu par toi-même, et, quand tu vas chercher le côté idéal de la vie pour le décrire, le diable m’emporte si je sais où tu le trouveras dans ton appréciation personnelle ! Pourtant il faudra que tu trouves quelque chose de moins aride que le fait tout cru, car le roman est une physiologie et non une autopsie. Or, tu ne voudras pas faire de la littérature de convention et décrire des êtres auxquels tu ne croirais pas.

Que feras-tu, si tu ne fais ni théâtre ni roman ? De la critique sérieuse, ce qu’on appelle des travaux ? On peut toujours découvrir dans l’inépuisable mine du passé des individualités mal comprises et mal jugées. Cela est d’un éternel intérêt pour l’histoire des idées, et puis c’est un métier grave et qui semble fait pour la disposition d’esprit où tu es ; mais prends garde encore ! Là aussi, un peu d’idéal ne nuirait pas. Je sais bien que de très-grands esprits, voués à la philosophie positive, prouvent aujourd’hui que l’en-