Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/272

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

serve pas, c’est tant pis pour lui et pour la société. Les avares sont des fous qui se coupent les mains pour ne pas porter le fardeau du devoir. Les prodigues sont un autre genre d’insensés qui jettent leurs armes au milieu du combat de la vie. Les uns et les autres sont la proie d’un vertige ; mais que prouve tout cela contre la richesse ? De ce qu’il y a des ivrognes qui s’usent et se tuent, s’ensuit-il que le vin ne soit pas un cordial généreux destiné à retremper le corps et l’esprit ? Vouloir toujours acquérir sans jamais user de ce que l’on acquiert est certainement une maladie que j’ai condamnée ; mais ne venez pas me dire que la volonté de ne jamais posséder soit une vertu ou une sagesse. C’est comme si vous me disiez qu’étant faible il ne faut pas souhaiter d’acquérir des forces. C’est nier la logique, c’est déposséder l’homme du besoin de s’améliorer, c’est nier le progrès, et je m’étonne de trouver cette doctrine d’impuissance et de paresse chez deux disciples de M. Sylvestre.

— Permettez, répondit mademoiselle Vallier, M. Sylvestre croit que, si la richesse n’est pas une force collective dont on pourrait répandre le bienfait sur tous les hommes, c’est parce qu’elle se concentre trop dans les mains d’un petit nombre qui ne veulent ni ne savent en faire profiter le grand nombre. D’après lui, les riches seraient des gens démesurément forts qui, bien loin d’aider et de porter les faibles, seraient pour la plupart déterminés à les écraser. Admettons qu’il se trompe, qu’il ne les connaisse pas, que la plupart soient des hommes de progrès et d’intelligence, et qu’on doive à leur initiative les merveilles de l’industrie et l’espoir du bien-être général : il n’en est pas moins vrai que cette foule de malheureux et d’incapa-