Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/271

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— Personne ici ne se permet de vous juger, reprit mademoiselle Vallier, et le parti que vous avez pris de quitter les affaires prouve que, quant à la théorie, nous sommes d’accord. Je peux donc dire, sans vous blesser en rien, qu’il ne sied pas aux pauvres de rêver la richesse et le fardeau d’obligations qu’elle impose, car ils ne sauraient le porter.

Ici, Gédéon se leva et parla avec une vivacité inattendue, comme si, blessé au cœur par le dédain de mademoiselle Vallier pour sa prépondérance sociale, dont il avait fait si bon marché, il se décidait à la lui faire sentir.

— Si vous dites, s’écria-t-il, que les pauvres ne sauraient pas être de bons riches, vous confondez tous les pauvres dans un égal mépris. Moi, je vous abandonnais les riches, ne voulant pas tomber dans des généralités de critique ou d’éloge qui n’aboutiraient qu’à des personnalités ; mais vous abandonnez bien davantage la cause que vous sembliez défendre, car, selon vous, les pauvres seraient tous incapables ou égoïstes.

— Il me semble, dis-je à mon tour, que nous confondons ici la richesse et la pauvreté avec leurs effets.

— Eh bien, reprit Gédéon, il est impossible, vu l’état des choses sociales et humaines, de faire autrement. La richesse par elle-même est une force, et, comme on n’a pas encore trouvé le moyen d’en répartir également les bienfaits, il y a nécessairement des gens qui sont plus ou moins forts dans la société, selon qu’ils sont plus ou moins riches. La pauvreté constitue un état de faiblesse. Celui qui ne peut rien pour lui-même ne peut rien pour les autres, tandis que le riche peut beaucoup pour lui et pour beaucoup d’autres. Qu’il se serve mal de sa force ou qu’il ne s’en