Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/276

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pas boire la mer, je dois et je peux me contenter d’une goutte de rosée. »

J’essaye de te traduire comme je peux le langage facile et charment de mademoiselle Vallier. Elle parlait avec une conviction si touchante et si gracieuse, que Gédéon, éperdu, fit le mouvement de saisir ses mains pour les baiser ; mais, comme si elle eût pressenti ce mouvement, elle se leva sans le voir et alla frapper sur l’épaule de Zoé en lui disant :

— Sais-tu, petite, qu’il est onze heures, et que le médecin gronderait s’il te voyait encore debout ! Allons dormir.

En parlant à sa négresse, elle rencontra je ne sais comment mes yeux, et je sais encore moins comment et pourquoi ils étaient humides. La peinture qu’elle venait de faire de la résignation m’avait ému apparemment. Elle tressaillit d’une manière imperceptible ; mais ce tressaillement n’exprimait que la surprise, et je crois que Gédéon ne s’en aperçut pas.

— Quelle âme forte et quelle douceur de caractère ! s’écria-t-il quand elle fut sortie.

— C’est un ange, dit une de ses sœurs.

— C’est une sainte, ajouta l’autre.

Et toutes deux se retirèrent.

— Et vous, mon ami Pierre, qu’en pensez-vous ? me dit Gédéon quand nous fumes seuls.

— Je pense que vous êtes un sage de l’avoir choisie ; mais je pense aussi que j’ai à travailler, et qu’il faut que je me sauve.

— Bien, bien… un moment ! Dites-moi si vous croyez qu’elle me pardonnera d’être riche ?

— Allez-vous souhaiter qu’elle vous en fasse un mérite ?