Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/290

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qui ne sait plus ce que c’est que l’amour, Gédéon arrachera peut-être à l’estime et à la reconnaissance une promesse qui ne pourra plus être révoquée !


Dix heures du soir.

J’ai voulu essayer mes forces et connaître l’état de mon cœur. J’ai été à la Tilleraie. Gédéon n’y était pas ; il a des affaires à Paris pour deux jours. Si je l’avais su, je n’aurais pas fait cette visite. J’y ai beaucoup souffert. Me trahir en son absence serait une perfidie apparente. Il faut qu’il ait mon secret avant qu’il m’échappe. Je me suis trouvé presque seul avec elle : une des sœurs était indisposée et gardait la chambre ; l’autre, sans méfiance, allait et venait, laissant à mademoiselle Vallier le soin de me tenir compagnie. Le médecin, mandé pour la malade, n’est resté qu’un instant au salon, mais cet instant a failli faire éclater la crise. Je t’ai parlé de ce brave homme, c’est celui qui a soigné Zoé. Il exerce la médecine et la chirurgie dans les campagnes environnantes. Il est fort attaché à mademoiselle Vallier, et, avec une rondeur naïve, un peu inconvenante sans le savoir, il lui a presque fait compliment de son mariage avec Gédéon, disant que c’était la nouvelle du pays. Elle lui a répondu que tout le pays s’occupait d’une chose dont elle n’avait jamais entendu parler.

Quand nous avons été seuls, je lui ai demandé pourquoi elle niait un fait qui me paraissait notoire. À quoi bon cette dissimulation avec un ami comme le docteur ? Et moi, n’étais-je pas aussi une espace d’ami, ou tout au moins un dévoué serviteur